L'INDEMNISATION DU FAIT DE LA DELIVRANCE D'UN CERTIFICAT D'URBANISME ILLEGAL
L'indemnisation du fait de la délivrance d'un certificat d'urbanisme illégal
Si l’intérêt du certificat d’urbanisme est régulièrement débattu, la présente décision vient attester du fait qu’il est loin d’être dénué de toute portée réelle, notamment en cas d’acquisition immobilière.
En effet, le certificat d’urbanisme n’est certes pas en tant que tel une autorisation d’urbanisme (Conseil d’Etat (avis), 13 octobre 2000, n° 223297). Ses garanties demeurent limitées, puisqu’il n’induit pas de véritables droits à construire. En réalité, l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme, qui le définit, prévoit uniquement qu’il cristallise les règles d’urbanisme opposables durant 18 mois. Néanmoins, ceci ne doit pas prêter à confusion. La cristallisation est celle des règles d’urbanisme légalement applicables au jour de sa délivrance, et non celles expressément indiquées dans le certificat. L’omission de certaines mentions n’est donc pas de nature à créer des droits dont le titulaire du certificat pourrait ensuite se prévaloir.
Néanmoins, si le certificat d’urbanisme ne crée pas de droits à construire, une jurisprudence constante tend à admettre qu’une indication de constructibilité erronée peut engager la responsabilité de l’administration, qui devra indemniser le préjudice en résultant.
La présente décision commentée s’inscrit dans ce courant, tout en apportant des précisions extrêmement utiles.
Des particuliers avaient ici acquis un terrain en 2006 sur le territoire de la commune de L’Houmeau en vue d’y édifier une maison d’habitation. Toutefois, le permis de construire qu’ils avaient obtenus en 2007 a été annulé par la Juridiction administrative en 2008. Cette dernière avait retenu qu’en dépit du classement urbanistique en zone urbaine, qui devait permettre la réalisation du projet, le terrain n’était pas constructible en raison de la loi Littorale. Ces particuliers se sont alors retournés contre la commune, en demandant à être indemnisés de leurs préjudices. A ce titre, ceux-ci se prévalaient notamment d’un certificat d’urbanisme délivré par la commune juste avant leur acquisition du terrain en cause, et faisant figurer ce dernier comme constructible.
Le Tribunal Administratif de Poitiers a d’abord condamné la commune à leur verser une somme de 18 365,90 euros, augmentée des intérêts au taux légal. Ensuite, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a porté cette condamnation à un montant de 284 431,60 euros, augmenté des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts. La commune s’est alors pourvu en cassation.
Le Conseil d’Etat a d’abord confirmé l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel en considérant que le certificat d’urbanisme était illégal du fait de la mention du classement du terrain en zone urbaine, quand bien même ce dernier n’avait pas encore été jugé illégal à la date de la délivrance du certificat d’urbanisme.
La commune tentait également de s’exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait que le Plan Local d’Urbanisme communal avait été approuvé par l’établissement public de coopération intercommunal (EPCI), la communauté d’agglomération de La Rochelle. La commune n’était donc pas l’autorité administrative ayant directement institué le classement en zone urbaine. Toutefois, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel sur ce point également en jugeant que la commune a bien commis une faute, de nature à engager sa responsabilité, en délivrant un certificat d’urbanisme mentionnant le classement illégal du terrain. Il précise que la responsabilité de la commune n’est pas engagée en raison de l’illégalité du Plan Local d’Urbanisme, qui relève de l’EPCI. En réalité, la commune aurait dû ne pas appliquer ces dispositions illégales du Plan Local d’Urbanisme, même en l’absence de décision juridictionnelle en ce sens.
Enfin, sur le chiffrage du préjudice financier résultant de la baisse de valeur vénale du terrain, le Conseil d’Etat estime qu’il doit être apprécié en calculant la différence entre le prix d’acquisition par les particuliers et la valeur du terrain devenue inconstructible.
La présente décision s’insère dans un contexte jurisprudentiel où il semble attendu de l’administration qu’elle soit précautionneuse dans le contenu des certificats d’urbanisme délivrés. A titre d’exemple, le Conseil d’Etat a aussi récemment jugé que la simple indication dans un certificat d’urbanisme que la loi littorale s’appliquerait à un tènement immobilier est insuffisante. Selon le raisonnement du juge, le certificat d’urbanisme aurait dû indiquer que plus précisément que le tènement était situé au sein d’un espace remarquable, ce qui induisait une inconstructibilité (Conseil d’Etat, 26 juillet 2018, n° 408149).
En conséquence, les communes devront être particulièrement vigilantes sur ce sujet et veiller à sécuriser juridiquement leurs certificats d’urbanisme. Pour les administrés, dans un contexte où l’indemnisation des préjudices en matière d’urbanisme n’est pas nécessairement aisée, la présente décision apparaît intéressante, à condition de ne pas s’égarer dans les procédures.